Définition de l'accompagnement social

 

L'accompagnement social : une démarche clinique

Selon une définition commune, "accompagner", c’est se joindre à quelqu’un pour aller où il va, en même temps que lui.

"Articuler clinique et accompagnement

Qu’est-ce que ça dit de la manière d’être,

Avec celles et ceux au côté desquels on chemine ?"

Quand on se positionne dans l’action avec ou sous ce terme, on indique quelque chose de la manière d’y être… Disons d’emblée l’art et la manière d’y être.

Car c’est une forme d’art, au sens où le positionnement ouvre une possibilité de création qui est autre que le prêt à penser modélisable dans le prêt à agir modélisé (bonnes pratiques, fiches actions, procédures, protocoles…).

Michel FOUCAULT écrit de la clinique (1) qu’elle consiste dans le geste de se pencher au chevet du malade alité. C’est une position où le savoir se penche, se déséquilibre, pour apprendre de l’autre quelque chose de singulier, qui dit comment lui, vit, souffre et jouit. Il y a du savoir (capacité diagnostique) qui s’interroge avec le patient (et non pas sur le patient) sur son propre savoir." (2)

La démarche clinique s'adresse aux travailleurs sociaux, aux sociologues, aux médecins et praticiens qui "se posent la question du sujet (histoire personnelle, expérience vécue, création continue de soi…), ou plus exactement celle de la subjectivité, de sa place dans le champ social, de ses rapports complexes avec le fonctionnement social. La démarche clinique est une position fragile qui souligne l’importance de la relation et prend en compte l’implication de l'accompagnateur pour s’ajuster et connaître de l’intérieur ". (3)

"La fonction essentielle de l’accompagnateur est de se déplacer dans des rôles différents : « Passer de la place du supposé savoir à celle d’ignorant » par un détour poétique.

Le sens clinique, c’est aussi une forme humble d’attention au non-verbal, au non-visible, à l’écoute des silences et aux effets émotionnels qu’il provoque en soi et chez l’autre. La rencontre avec le visage de l’autre est une invitation au respect du secret et à l’indicible de l’altérité."

La posture clinique est basée sur l’écoute et l’intériorité du sujet, pour entendre et laisser advenir le sens. L'accompagnateur doit s’efforcer "d’accueillir l’autre dans sa singularité et de l’accompagner dans la manière d’élaborer un projet personnel et professionnel qui fasse sens. Accompagner pas à pas le chemin en train de se faire, les projets qui s’élaborent, les choix et renoncements qui se font, pour qu’ils prennent sens dans l’histoire du sujet." (4)

Prendre en compte l’histoire du sujet : cette connaissance, même partielle, doit servir de référence au travailleur social, confronté à l’inattendu et disponible à l’écoute. Le respect de l’intimité de la personne constitue néanmoins une obligation première.

Dans un dialogue incitatif et une relation confiante, l’accompagnement doit permettre l’émergence du désir du sujet, moteur essentiel de l'existence, support de la parole et de l'échange, levier pour le développement de l'autonomie.

L’expérience du travail social montre que lautonomie, pour la personne en difficulté, commence par la prise de conscience de son besoin d’aide, par la capacité de savoir gérer ses dépendances et d'accepter les règles, les lois communes, d'assumer son ou ses handicap(s) et ses difficultés d’insertion sociale, la capacité de faire face en construisant une réponse adaptée à ses possibilités et à ses limites ; en résumé, c’est consentir à soi-même.

L’accompagnement doit permettre à la personne en difficulté d'acquérir cette autonomie et de devenir acteur de sa vie, de décider par elle-même dans l’indépendance par rapport à autrui, et d'accéder à la citoyenneté.

Accompagner, c'est apprécier aussi les possibilités réelles, les limites à respecter pour ne pas provoquer le renoncement ou l’échec. S’il survient pourtant, il appartient à l'accompagnateur de l’utiliser pour en comprendre le mobile et proposer un nouveau départ.

Au plan individuel, il est important que tout travailleur social se pose la question de sa légitimité : « Qui suis-je pour prétendre guider autrui ? ». D’évidence, l’accompagnement produit, du fait de sa réalisation, des situations paradoxales, du moins contradictoires entre les volontés des différents partenaires en cause. La pratique de l'accompagnement impose une remise en question personnelle permanente, la recherche de sens dans l'action, et l'implication dans une démarche de supervision, fondée sur une approche sociologique.

Cette réflexion sur l’accompagnement s’appuie également sur l'engagement dans une démarche citoyenne et sur la prise en compte des enjeux de l’accompagnement. Et elle doit permettre que chaque acteur de l’accompagnement puisse trouver sa place : celle de la personne accompagnée, mais aussi celle du professionnel.

Les fondements de l'accompagnement social

Cette démarche clinique peut permettre l’établissement d’un contrat qui trouve son fondement dans une pratique au quotidien. C’est la relation de deux volontés égales qui s’engagent librement sur la base du consentement éclairé.

Ce contrat  s'étaye sur des objectifs concrets et clairs, définis par les politiques sociales et les textes réglementaires.

  • accès aux droits civiques et sociaux ;

  • accès aux soins et à la santé ;

  • accès au logement ;

  • accès à la culture et aux loisirs ;

  • accès à l’insertion professionnelle et à l’emploi.

Le projet personnalisé et le document individuel d'accompagnement matérialisent les objectifs et les modalités de l'accompagnement.

Son fil conducteur reste le projet personnalisé et utilise l’expérimentation comme levier. Il impose encore un subtil équilibre entre la prise de risque nécessaire dans le chemin vers l’autonomie et la protection de la personne à l’endroit de sa fragilité.

La personne doit avoir accès à toute l’information la concernant.

L’accompagnement suppose, de la part des équipes,  connaissances et pluridisciplinarité, formation, éthique.

Il se fonde sur deux pôles extrêmes :

  • la mission confiée en fonction des objectifs du Service et des orientations générales des politiques sociales ;
  • l’impérieuse nécessité de prendre en compte le désir de la personne accompagnée, cette expression fût-elle originale, différente de l’attendu.

L’accompagnement social ne se légitime que dans le cadre du respect fondamental des libertés individuelles.

De plus, dans le contexte social et économique actuel, les voies traditionnelles de l’insertion sociale sont remises en question. Cela implique la nécessité d’une recherche continue.

Une obligation de partenariat s’impose et les organismes privés et publics doivent trouver une complémentarité avec des réseaux sociaux et médico-sociaux coordonnés.

(1) Michel FOUCAULT. "Naissance de La Clinique", 1963, Paris: PUF.

(2) Hugo THIERRY, "Sur la clinique", Texte MAIS.2014.

(3) REVAULT D’ALLONNES C. et al, La démarche clinique en sciences humaines, 1989, Paris, Dunod.

(4) Francis DANVERS, Autour des mots de la formation "Clinique", Revue Recherche et Formation n° 63-2010.

 

Histoire de l'accompagnement social

 

Emergence et développement de la notion d'accompagnement social

On note l’émergence de la notion d’accompagnement au cours des années 1970, d’une part dans le contexte traditionnel des institutions recevant du public handicapé, d’autre part, dans les établissements spécialisés traitant les pathologies psychiatriques.

L’environnement n’est alors guère préparé à admettre la participation directe des malades psychiques et des personnes handicapées à la vie collective. Mais on assiste à une évolution des pratiques liées à plusieurs éléments dont le développement des thérapeutiques neuroleptiques et une forte volonté d’intégration du secteur médico-social. Et à la demande pressante des associations familiales, va apparaître cette conception de "professionnels de l’accompagnement" appelés, dans un premier temps, " équipes de suite". Celles-ci sont mises en place dans les établissements accueillants des adolescents et des adultes handicapés.

Cette notion d'accompagnement est formalisée pour la première fois dans une circulaire de Marie-Madeleine Dienech  en 1973.

En 1974-75, période encore marquée par un bon niveau d’emploi et une croissance satisfaisante, les mots d’ordre participatif sont présents dans le secteur social, comme en témoignent les objectifs  de la loi d’orientation des personnes handicapées de 1975 (loi n° 75-734) :

  • passer de l’assistance à la solidarité ;

  • permettre, ou du moins favoriser l’autonomie des personnes handicapées, leur accès aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et leur maintien dans un cadre dit ordinaire de travail et de vie.

Et l'article 1er de la loi stipule : "Leur intégration constitue une obligation nationale".

La loi de 1975  relative aux institutions sociales et médico-sociales (loi n° 75-735) organise la mise en place de lieux d'accueil et d’intervention adaptés aux prérogatives de la loi d’orientation. Elle institue également, dans le domaine du travail, les "équipes de préparation, de suite et de reclassement" (EPSR).  Mais la relation préférentielle prévue entre les EPSR et l’Agence pour l’Emploi ne permet pas de donner toute l’ampleur prévue aux équipes de suite.

L’application des dispositions de ces deux lois entraîne un développement massif des institutions : foyers, lieux de travail protégés...  

Parallèlement, la crise économique naissante va considérablement réduire les chances d’insertion des personnes handicapées. Cet échec sera encore illustré, au nom du réalisme économique, par la non-application de la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi de travailleurs handicapées, les employeurs préférant majoritairement verser une participation financière plutôt qu'embaucher les personnes handicapées.   

Dans ce contexte, un double mouvement se précise :

  • dans les institutions, le développement de pratiques éducatives vise l’acquisition d’une vie sociale pour les personnes handicapées (Services socio-éducatifs, Services  d’Accompagnement   rattachés/ou non aux Centres d'Aide par le Travail, aux foyers d'hébergement...) ;
  • dans le secteur psychiatrique, le mouvement de "désinstitutionalisation" entraîne la mise en place de services ouverts, implantés au sein des quartiers, visant la réinsertion sociale des malades plus ou moins stabilisés.

Dans le même temps, lié à la crise économique des années 80, on observe un développement de situations de précarité entraînant, pour les personnes accompagnées, déstabilisation sociale et psychologique, ainsi que l’accroissement d’un travail social individualisé. Les Commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) confirment cette tendance en adressant à ces équipes de suite et d’accompagnement ces personnes en difficulté d'insertion, reconnues "handicapées".

Mais les lacunes de la réglementation ne donnent aucune précision sur la constitution, le rôle et les moyens des Services dits " d’accompagnement ". Et l’on constate que la décentralisation des années 1980, malgré ses aspects positifs, a augmenté cette incertitude en confiant les divers aspects de l’insertion sociale à des niveaux multiples, de l’Etat aux collectivités territoriales locales : Conseil Régional, Conseil Général, municipalité, etc. Ce morcellement engendre un ensemble disparate de services rattachés à des établissements, ou bien autonomes, financés de façons différentes : par budget propre ou sous forme de subventions, ou bien encore de prix de journée, dans le cadre de conventions très diverses.

Dès sa création, en 1987, le MAIS souligne l'importance de ces problèmes et se pose la question de créer et développer une démarche innovante pour les adultes en difficulté d'insertion sociale.

Ces écueils sont également reconnus par les pouvoirs publics, puisque relevés dans l’argumentaire de la révision de la loi 1975. Une évaluation des besoins et moyens s’impose afin de prévoir un cadre souple, mais cohérent, auquel la loi sociale de 1975 ne répond pas.

Il paraît important de répondre à la nécessité de concrétiser dans les pratiques ce passage, annoncé depuis longtemps, de l’assistance à la solidarité dans un objectif d’autonomie, et de porter un autre regard sur la personne souffrante susceptible d’être accompagnée.

Dès lors, l’accompagnement social s’élabore en fonction de la problématique des personnes handicapées, problématique d’insertion sociale, et en fonction des situations aux variations multiples, compte-tenu de la diversité des populations concernées.

S'il s’agit bien et d’abord d’une forme d’action sociale en milieu ordinaire, l’accompagnement social doit être conçu de telle sorte que puisse être entendue et prise en compte la parole du sujet en situation de handicap afin de favoriser l’autonomisation plutôt que la normalisation.

Dès lors le MAIS entretient des échanges réguliers avec le Ministère des affaires sociales et avec la Direction de l'action sociale afin de participer à l'élaboration d'un texte législatif permettant la reconnaissance et la définition des Services d'Accompagnement, garantissant la qualité de l'accompagnement social et le cadre de son action.

Corrélativement, la notion d'accompagnement apparaît dans le domaine de la lutte contre l'exclusion sociale. Elle se développe dans les secteurs de l'accès à l'emploi (Loi  du 20 décembre 1993 relative à l'emploi et à la formation professionnelle), de l'accès au revenu minimum d'insertion (RMI), du droit au logement sous la forme de mesures individuelles ou collectives (Loi Besson du 31 mai 1990). Et elle se concrétise dans la Loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions.

En 1993, le Commissariat général du plan, dans son rapport sur l'évolution du travail social, fait sienne cette notion d’accompagnement comme une fonction… « qui tend de plus en plus à se distinguer d’un suivi traditionnel, l’accompagnement n’étant pas centré uniquement sur le comportement de la personne, mais qui inclut le travail d’articulation avec l’offre, la recherche de réponses, leur adaptation à la situation de chaque usager… ».

Et le rapport tend à préciser les différents rôles  que recouvre le terme "accompagnement" :

  • un rôle de médiation entre la personne accompagnée et l’opérateur d’insertion ;

  • un rôle d’accompagnement de proximité ou de quotidienneté (tutorat en entreprise…) ;

  • un rôle d’accompagnement dans un projet et un itinéraire…

L'apparition de ce processus dans le champ du travail social correspond dès lors à la mise en place de dispositifs d'aide et d'action sociale, très techniques et bureaucratiques, qui visent à limiter l'instrumentalisation de la charité et de la solidarité et  la classification des personnes.

Reconnaissance administrative de l'accompagnement social

La mise en œuvre de la loi de rénovation de l’Action sociale  du 2 janvier 2002 appelle une évolution des pratiques et des programmes qui amène progressivement, dans l’ensemble du champ social et médico-social, à passer de logiques trop exclusives de protection et de prise en charge (sans toutefois les abandonner), à des logiques d’accompagnement et d’insertion.

Cette loi vient compléter, rénover et préciser la définition de l'accompagnement social au travers de ses principes généraux :

  • Mettre l’usager au centre du dispositif.

  • Faire reconnaître le respect de ses droits en le faisant, notamment, participer à l’élaboration de son projet personnalisé.

  • Promouvoir la qualité des services rendus.

Le  décret du 11 Mars 2005 relatif aux conditions d’organisation et de fonctionnement des services d’accompagnement à la vie sociale et aux services d'accompagnement médico-sociaux pour adultes handicapés précise et finalise  les modalités de la loi.

La loi du 11 Février 2005 positionne l’accompagnement au rang de la citoyenneté en stipulant l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées.