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L'obsession du quantitatif ASH n°3001

ASH n3001

L'obsession du quantitatif ASH n°3001

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Dans leur n°3001, les ASH proposent un dialogue et donne la parole au MAIS sur "Sérafin-PH : une rationalisation attendue ou redoutée"

"Faut-il s'inquiéter du projet Sérafin-PH ? Non affirment Fabrice Bousquet, directeur de plateforme d'établissements, et Jean-René Loubat, psychosociologue, qui y voient un challenge pour les acteurs sociaux. Oui, répond au contraire Roger Drouet, président du MAIS, qui craint l'instauration d'une gouvernance par les normes."

Lisez et téléchargez l'intégralité des textes ci-dessous.

Article rédigé par Roger Drouet, Président du M.A.I.S. :

L'obsession du quantitatif

Nous avons depuis quelques mois pris connaissance du projet de réforme de la tarification des ESMS. Pour le M.A.I.S. (Mouvement pour l’Accompagnement et l’Insertion Sociale), à la lecture de ces différents textes, il convient de porter un regard critique et de constater l’esprit réducteur de la démarche tant dans l’esprit que dans la forme.

Le projet SERAFIN-PH (Services et Etablissements : Réforme pour une Adéquation des financements aux parcours des Personnes Handicapées) prévoit l’élaboration d’une nouvelle tarification des établissements et services médico-sociaux. Faisant suite à divers études dont le rapport Vachey-Jeannet (les "Etablissements et services pour personnes handicapées : offre et besoins, modalités de financement") et le rapport Piveteau (zéro sans solution), les rédacteurs de SERAFIN édictent la nécessaire adaptation de l’offre aux besoins des personnes d’une part, les voies et moyens pour entreprendre une réforme du financement du secteur d’autre part.

L’objectif de cette démarche, tout en veillant à respecter une meilleure gestion des finances publiques, vise à promouvoir une société inclusive, abaisser les frontières entre les secteurs sanitaire, social et médico-social pour faciliter les parcours des personnes en situation de handicap, garantir l’accès aux soins et proposer qu’à toute personne corresponde une réponse adaptée, dans une logique :

  • d’équité, 

  • de promotion des parcours, 

  • de souplesse 

  • et plus globalement d’amélioration des modalités de leur accompagnement.

En bref : SERAFIN-PH veut répondre à la nécessité d’améliorer la pertinence des prestations, la qualité de l’accompagnement et l'efficacité de la dépense.

Cependant malgré ses bonnes intentions, cette réforme pourrait selon nous aboutir à une modification profonde des pratiques d’accompagnement par une conception réductrice des situations et des personnes. En effet, à l’énoncé de ces intentions, on pourrait penser que le « travail social nouveau » est arrivé. Qu’avant SERAFIN, les travailleurs sociaux n’étaient pas empreints du respect inconditionnel de la personne comme sujet de droit, droit à la différence, au libre choix.

C’est oublier que depuis de nombreuses années, beaucoup d’associations gestionnaires, de services médico-sociaux et leurs équipes se sont engagés dans cette démarche au gré des mutations de l’accompagnement social. En cela l’esprit qui prévaut dans cette réforme disqualifie le travail de terrain engagé. Pourrions-nous en déduire que les acteurs du secteur social et médico-social seraient quelque part responsables du manque de places en institutions, du manque de considération dans le suivi des situations et des parcours, du manque de souplesse dans les situations d’accompagnement, et plus globalement coupables de détériorer les modalités d’accompagnement, voire de gaspiller les deniers publics ?

Sur la forme, SERAFIN-PH situe l’intervention sociale à partir de nomenclatures, véritables catalogues détaillés et ordonnés des éléments permettant de décrire les besoins et les prestations.

- Concernant le bloc des besoins :

Le citoyen porteur d’un handicap est réduit à son besoin, à ce qui lui est strictement nécessaire. S’efface ainsi la singularité de la personne concernée, soumise à une seule dimension : celle d’un ayant droit bénéficiant d’une réponse prescrite.

Ce mode de gouvernance par les grilles, les codes, expression d’une administration, déprécie le statut de la personne, chacun devant correspondre à une classification normative, standardisée.

- Concernant le bloc des prestations :

Dans cette présentation des réponses aux « besoins » des personnes, l’intervention sociale se résume à exécuter une prescription. Qu’en est-il des fondements de l’action éducative au plus près de son déroulement ? Au regard des obstacles rencontrés, des solutions échafaudées, des replis, des ratés, des embuches, des embardées, des réussites, du hasard... Celles-ci témoignent d’un travail participant d’une stratégie globale d’intervention, basée sur une appréhension intégrale de la personne, adoptant le principe d’essai-erreur, de l’expérimentation : de la prise de risque comme terrain d’apprentissage. Cela suppose de regarder ces personnes du côté de leurs compétences, de leurs aptitudes à envisager leur émancipation.

Cette nomenclature définit une réponse forfaitaire à une situation donnée. Cette adaptation du langage bureaucratique, cette gouvernance par les normes réduit les professionnels à devenir des exécutants et disqualifient leurs savoir-faire.

SERAFIN propose un référentiel tarifaire, qui sera utilisé lors de l’allocation de ressources aux établissements et services médico-sociaux concernés.

Ce système permettrait de rémunérer les établissements et services en fonction de leur activité. L'activité serait financée sous la forme d'un forfait par usager correspondant à un Groupe homogène de prestation, permettant ensuite de constituer les Groupes homogènes d’usagers par besoin.

La T2A (Tarification A l’Activité) adoptée dans le champ du sanitaire pour améliorer la transparence du financement des soins, l'équité et l'efficience de chaque établissement est-elle annoncée pour notre secteur ?

Les actes I et II du projet sous-tendent un modèle. Si le scénario de ce modèle n’est pas écrit, sa logique est à l’œuvre. Nous sommes témoins des manifestations des fonctionnaires d’état et plus particulièrement des services hospitaliers qui expriment leur mal-être. De telles manifestations humaines sont révélatrices des conséquences d’évolutions qui ont bouleversé les pratiques du soin par des décisions essentiellement d’ordre gestionnaire.

Dans une logique de réduction des coûts, nos missions d’accompagnement ne risquent-elles pas de perdre leur sens et d’être limitées à des exécutions standardisées ?

Le discours ambiant autour de cette réforme pénètre l’espace des pratiques, au risque de ramener les enjeux à l’obsession du quantitatif et du performatif.

 

Face à ce scénario formaliste, soyons attentifs.

Nous devons résister à toute dérive technocratique en ne cédant pas sur le sens de nos missions et de nos organisations, dans l’intérêt des personnes que nous accompagnons.

 

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